ARAM PANO EST PRÊTRE ET ÉTUDIANT BOURSIER À L’UNIVERSITÉ DE LA SAINTE-CROIX. IL REVIENT SUR LA NAISSANCE DE SA VOCATION EN IRAK ET L’APPEL DE DIEU QU’IL A RESSENTI AU CŒUR DE LA GUERRE.

Je suis né durant la dernière année de la guerre entre l’Iran et l’Irak. Cette guerre a duré huit ans et fait plus d’un million et demi de morts. Mon père et trois de mes oncles se sont battus. Ce furent des moments terribles pour ma grand-mère et ma mère. Elles ont attendu et prié pour que leurs proches rentrent à la maison. Et Dieu merci, mon père et ses frères sont revenus.

En 1991 la première guerre du Golfe a éclaté. Nous ne sommes restés dans notre village que jusqu’en 1992. Puis nous avons déménagé à Bassorah, la troisième plus grande ville du pays. Là-bas, la plupart des habitants sont des musulmans chiites et il n’y a pas beaucoup de chrétiens. Mais les gens ont été très généreux et accueillants.

Bassorah compte deux paroisses. En 1995, j’y ai fait ma première communion. Ce jour- là, pour la première fois, j’ai ressenti l’ap- pel à servir le Seigneur. À cette période, la paroisse était comme ma maison. J’adorais y aller pour jouer avec mes camarades et aussi pour participer à la catéchèse.

Nous nous sommes réfugiés dans l’église

La troisième guerre a débuté en 2003. J’avais seize ans. C’était une guerre d’inva- sion et d’occupation de l’Irak menée par les États-Unis. Elle a duré quatre mois et la der- nière ville qui est tombée était Bassorah. Je me souviens avoir vu des avions américains bombarder la ville. Nous étions terrorisés.

Une nuit où je dormais profondément, j’ai été réveillé en sursaut par le rugissement d’un missile qui avait touché un bâtiment à deux pas de chez nous. Nous sommes sortis dans les rues. Les gens couraient partout. Les Américains continuaient à larguer des bombes pour semer la terreur.

À ce moment-là, nous nous sommes réfu- giés dans l’église. Pour la deuxième fois, j’ai ressenti plus clairement l’appel du Sei- gneur. Il est émouvant de penser que, bien que la voix du Seigneur ne soit pas dans le bruit des missiles assourdissants, elle se soit faite entendre, avec toute sa douceur, au milieu de cette horreur.

Par la suite, mon père a demandé refuge à l’évêque. L’église était très proche de la maison. Et là, dans la maison du Seigneur,

nous nous sentions plus en sécurité. Mon père servait dans la cuisine de l’évêché pour rendre un peu la générosité avec laquelle nous étions accueillis. Pendant ce temps, j’apprenais à servir à l’autel.

Ils étaient comme des brebis sans berger

À la fin de la guerre, notre évêque m’a pro- posé de l’accompagner dans sa mission pastorale dans une ville appelée Misan, à environ 170 km de Bassorah. Quand nous sommes arrivés, j’ai été surpris de voir les fidèles entrer dans l’église à genoux et sans chaussures. Ils se sont agenouillés devant l’autel, devant l’icône de la Vierge Marie, pleurant, priant, suppliant.

Lorsque la messe célébrée par l’évêque a commencé selon notre rite chaldéen, je me suis rendu compte que les fidèles ne connaissaient pas les prières, ni quand s’asseoir ou se lever. Cela m’a beaucoup impressionné. J’ai aussitôt pensé qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Puis, j’ai regardé l’évêque qui était plus âgé et en me demandant qui le remplacerait plus tard et aiderait tant de familles dans la pauvreté.

Cette pensée de Jésus ému devant la foule sans berger m’a habité et décidé. Si bien qu’en 2005, je suis entré au séminaire de Bagdad. J’y ai étudié pendant six ans et j’ai été ordonné prêtre. Puis mon évêque m’a envoyé à Rome pour étudier la communi- cation à l’université de la Sainte-Croix.

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