Voici la Prière à Saint Benoît, Patron de l’Europe « Benoît de Nursie, de Subiaco et du Mont-Cassin » du Cardinal Roger Etchegaray né en 1922, Archevêque émérite de Marseille (1970-1985) et Président émérite du Conseil Justice et Paix au Saint-Siège.
« Benoît de Nursie, de Subiaco et du Mont-Cassin, toi qui n’es pas seulement Patron privilégié de l’Europe, mais Père de toute l`Église, nous venons t’écouter. Clarifie notre regard : comme toi nous sommes, selon ton expression, des chercheurs de Dieu. Quinze siècles de distance entre toi et nous, c’est beaucoup… Et seul Jésus-Christ est le contemporain de tous les temps. Mais toi, le béni de grâce et de nom, sois présent aujourd’hui parmi nous, toi et pas seulement la descendance vivante, les disciples. Notre époque est comme la tienne, aussi troublée, aussi chancelante.
Mais aujourd’hui, grâce à toi et à tous les saints, nous entrevoyons la révolte de l’Esprit capable de tout transfigurer, comme cette lumière qui, une nuit, t`enveloppa et te fit voir le monde entier, rassemblé, orient et occident, absorbé dans un rayon de lumière.
Apprends-nous, Benoît, à ne plaire qu’à Dieu seul, tu nous y fais découvrir la joie. Un penseur moderne a imaginé l`homme moderne comme un homme qui est sorti de sa maison et a perdu la clef pour y rentrer. Benoît, ton message est une invitation à l’intériorité, ton expérience est celle de l`homme regagné à lui-même.
Benoît, apprends-nous le retour au cœur, apprends à chaque église domestique, à chaque famille, à avoir son lieu de beauté, son lieu liturgique où l’on n`a que regard sur l`autre, où l’on est l’homme du dedans, car Dieu seul qui nous habite, nous suffit.
Benoît, ton regard est limpide comme le lac où se mire le ciel, et d’où le frère Maur, en obéissant, a repêché le petit Placide. Benoît, tu nous donnes le goût de la source où tu puises le goût de l’Évangile, toujours frais, toujours pur, l`Évangile du « Viens et suis-moi ». Et toi le bénédictin, si calme, si modéré d’habitude, tu nous demandes de courir, ce mot que tu aimes employer lorsqu’il s’agit d`aller vers Dieu ou vers nos frères.
Apprends-nous un nouvel art de vivre, ce personnalisme communautaire où les couples contraires trouvent leur harmonie : autorité et liberté, personne et communauté, prière et travail. Et ta mesure, loin de nous rendre complices de la médiocrité, est une exigence de ferveur et de progrès continu.
Benoît, si tu as été proclamé patron de l’Europe, ce n’est pas pour avoir formé des copistes de manuscrits, ou des défricheurs de forêts, mais simplement parce que tu as ouvert une École du service du Seigneur où tout homme peut apprendre l’Évangile au quotidien. Benoît, ton art de vivre est de jongler avec le temps. Ta Règle est l`agenda où s’inscrivent, sept fois par jour, les rendez-vous avec Dieu, ces heures qui ne rapportent rien à l’économie, mais permettent à l’homme d`être plus homme. Pour vivre, nous avons besoin de ce temps qui n`est pas commercialisé, qui est inutile, de cette inutilité suprême que le Christ a appelé l`Unique nécessaire.
Benoît, apprends-nous à mourir comme toi, dans l`oratoire, debout au milieu de tes disciples qui soutiennent tes membres affaiblis. Tu pries jusqu`au dernier soupir, les bras levés au ciel, fortifié par l’Eucharistie.
Benoît, notre Père à tous, fais de notre vie et de notre mort une ascension vers Dieu. Amen. »
Cardinal Roger Etchegaray – Archevêque émérite de Marseille (1970-1985)